La mort du président tchadien, Idriss Déby Itno, est une mauvaise nouvelle pour la France dont il était un des meilleurs alliés militaires en Afrique.Entre Idriss Déby Itno et la France, c’est une longue histoire. En 30 ans de règne, ce fils de berger Zaghawa (une ethnie à cheval entre le Tchad et le Soudan), passé par les bancs des écoles militaires tricolores et les rangs des rébellions, a vu se succéder cinq présidents au palais de l’Elysée: François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande et aujourd’hui Emmanuel Macron.
Avec chacun d’entre eux, le Tchadien a su se montrer si utile qu’il est devenu une pièce incontournable pour la France en Afrique. Lors du lancement de son opération Serval, en janvier 2013, destinée à chasser les jihadistes des villes qu’ils occupaient alors dans le nord du Mali, Paris n’a trouvé meilleur allié que les fantassins des forces d’élite tchadiennes envoyés par Idriss Déby Itno et dont le commandement avait été confié à des hommes de confiance désignés par lui-même. Parmi eux, son fils, Mahamat Idriss Déby Itno, 37 ans, général quatre étoiles, désormais nouvel homme fort du pays après son installation au pouvoir à Ndjamena, à la tête d’un Comité militaire de transition (CMT) qui a suspendu la constitution et dissous le gouvernement et l’Assemblée nationale.
Quatre ans plus tard, en 2017, quand face aux offensives tous azimuts lancées alors par les islamistes de Boko Haram au Nigeria, au Cameroun et au Niger, ce sont les renforts envoyés par Déby qui font reculer les jihadistes. Il y a quelques semaines, 1200 de ses soldats tchadiens supplémentaires ont, encore, été dépêchés dans l’ouest du territoire nigérien par Déby pour appuyer la force française Barkhane. Celle-ci a pris le relais de Serval en 2014 mais peine encore à éradiquer les groupes jihadistes au Sahel, dont les attaques sont souvent très meurtrières à l’image de celles récurrentes des combattants de l’Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS) très actifs dans la zone des trois frontières entre le Burkina, le Mali et le Niger.
Avec la disparition inattendue de celui qui était sans conteste un de ses meilleurs alliés militaires en Afrique, la France a reconnu avoir perdu « un ami courageux qui a œuvré à la stabilité de la région durant trois décennies » et le Tchad « un grand soldat et un président (ayant travaillé) sans relâche pour la sécurité du pays ».
Dans un communiqué posté sur le site de l’Elysée, la France a compati à l’« épreuve » que traverse le peuple tchadien, avant d’exprimer « son ferme attachement à la stabilité et à l’intégrité territoriale du Tchad ». Pour sa part, Jean-Yves Le Drian, ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, a salué la mémoire d’« un partenaire fiable » de la France.
Après la mort du chef d’état-major de l’armée lors d’un précédent affrontement entre l’armée régulière et les combattants du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact), cette rébellion basée en Libye et qui a lancé ces derniers temps une offensive en direction de la capitale Ndjamena, Idriss Déby Itno avait pris lui-même le contrôle des opérations. Mal lui en a pris. Celui qui vient tout juste de se faire introniser, en août dernier, Maréchal du Tchad, n’a pas survécu à cet énième déplacement sur la ligne de front comme il aime le faire à chaque fois que son armée est attaquée.
La France comme les autres amis du président défunt s’apprêtait d’ailleurs à le féliciter pour sa réélection pour un nouveau mandat à la tête du Tchad. Selon un communiqué de la Commission électorale indépendante (CENI) rendu public lundi, soit quelques heures avant que sa mort ne soit annoncée, le Maréchal Idriss Déby Itno, 68 ans, qui briguait un sixième mandat de président, a été déclaré élu avec 79,32 % dès le premier tour du scrutin organisé le 11 avril dernier.
Paris qui officiellement s’est toujours déclaré hostile aux coups d’Etat s’est contenté, après l’annonce de la prise du pouvoir par l’armée, de prendre « acte de l’annonce, par les autorités tchadiennes, de la mise en place d’un Conseil militaire de Transition ».
Toutefois, l’Elysée a souligné « l’importance que la transition se déroule dans des conditions pacifiques, dans un esprit de dialogue avec tous les acteurs politiques et de la société civile, et permette le retour rapide à une gouvernance inclusive s’appuyant sur les institutions civiles ».